Le cancer social

Mon rêve d'enfant était d'être pédiatre. Je rêvais de porter une bouse blanche, et de pouvoir m'occuper d'enfants. Mon père m'a offert une collection entière de ''la vie''. Ces bouquins très bien illustrés et écrits simplement, permettent aux petits et aux grands de connaître des notions fondamentales de la médecine.

Même si mon rêve n'a pas fait long feu, ces livres m'ont été profitables en classes préparatoires. Découvrir la complexité de la biologie humaine, quoique passionnante, m'a convaincue que je ne pourrais pas étudier ce domaine toute une vie. Aujourd'hui, je suis dans une autre branche, mais ces notions font partie de ma culture.

J'ai appris beaucoup de choses, avec lesquelles je fais le lien direct avec mon quotidien. Par exemple, je comprends que l'eau micellaire est fabriquée en fonction de la nature des cellules de la peau, je connais les critères de qualité de l'huile, je sais également le processus d'apparition d'un cancer.

Lors d'un cours sur les cellules et l'ADN, le professeur nous a fait sortir une comparaison que j'ai bien aimée, sur comment se forme un cancer. C'est une maladie qui apparaît subitement, sans antécédent particulier et qui est le résultat d'une mutation de cellules génétiques. Pour faire simple, une tumeur cancéreuse se forme, lorsqu'une cellule décide de ne pas suivre sa nature. Comme illustration, une cellule du pied, qui décide de devenir une cellule de cheveux, une cellule du cerveau qui préfère finalement être une cellule du nez, etc. C'est plus complexe, mais c'est un peu l'idée.

J'en ai ri, j'en ris encore. Imagine-toi vivre ta vie, tranquillement, tout se passe bien, tu n'as pas de problèmes majeurs, tu es entouré (e) de ceux que tu aimes, bref, tu es heureux (se). Et un matin, tu apprends que tu as un cancer, qu'il te reste quelques semaines, quelques mois, une année tout au plus à vivre. Ton monde s'effondre, tu es perdu (e), tu te poses des questions. Ta vie est sur pause, tout simplement parce que des cellules de ton corps, ont décidé d'aller à contre-courant, de suivre leur voie et de décider de ce qu'elles veulent être.

Il y a de quoi se révolter, n'est ce pas ? C'est injuste, tu ne trouves pas ?

Imagine donc le monde, si tu décidais de changer radicalement. J'entends souvent des personnes dire ''je devrais être plus méchante, je devrais être plus égoïste, je devrais moins aider les autres, je devrais être comme eux, afin qu'ils ressentent également la douleur qu'ils m'ont faite ressentir'' et bien d'autres phrases du genre, après une mauvaise expérience. Je vois des personnes se transformer complètement, et reproduire les mêmes schémas, et faire aux autres ce qu'ils auraient voulu éviter.

Ce n'est pas parce que notre gentillesse a été abusée, que cela signifie que l'on doit automatiquement faire preuve de méchanceté. Ce n'est pas parce que nous n'avons personne à qui nous confier, qu'il faut qu'on fasse la sourde oreille face à ceux qui trouvent du réconfort en nous parlant.

Il m'arrive de penser pareillement, sous le coup de la tristesse, de la colère. Cependant, je ne laisse jamais ces idées avoir raison de moi. Je trouve que c'est triste, de changer la personne que nous sommes, tout simplement parce que nos qualités ne sont pas appréciées à leur juste valeur. Je ne dis pas qu'il ne faut pas s'améliorer, bien au contraire ! Il faut continuer de se bonifier, de parfaire nos qualités, de travailler sur nos défauts, en revanche, il ne faut pas s'en créer de nouveaux.

Changer pour faire subir aux autres ce qu'on nous a fait, nous plonge dans un cercle vicieux sans fin. Changer parce qu'on estime qu'on sera plus heureux, plus apprécié, n'est également pas la solution.

Un changement doit être motivé par de bonnes raisons pour être peren dans le temps. Il faut qu'il nous soit profitable, qu'il nous permette d'être plus épanouis, mais qu'il ne soit pas un moyen de se venger de ''nos ennemis passés ou à venir''.

Les relations sociales sont complexes, parce qu'il n'y a pas d'humain type, de réactions standards. Nous sommes tous uniques. Considérons-les comme un jeu de corde. Chaque joueur tient un bout de la corde et en responsable. S'il décide de la raccourcir, la couper, la brûler, c'est son choix. Il n'est nullement influencé par l'autre. Il faut accepter, que tu es responsable de ton bout à toi. Tous les efforts, toutes les fautes que tu fais, t'incombes. Tu n'as pas le droit, de porter le fardeau de l'autre joueur.

J'ai reçu un magnifique conseil à ce sujet récemment. Un grand frère m'a dit qu'il faut vivre librement. Il faut être vrai, soi-même et authentique. On fait ce qui nous est humainement possible pour que nos relations se passent bien. Si ce n'ai pas le cas, il faut savoir prendre du recul et continuer sa route.

En mutant, les cellules pensent être mieux appréciées, avoir des fonctions plus intéressantes, mais elle causent un cancer. Alors, même si l'environnement dans lequel tu es ne te valorise pas, même si les personnes qui t'entourent ne te considèrent pas, ne change pas ta nature. Évolue, avance, fais ton bout de chemin. Sois en paix avec toi, sois en accord avec tes principes et continue ta route.

Le monde est ce qu'il est parce que nous sommes des êtres à part entière, si nous devenons des clones, tout serait à l'envers. Je suis convaincue que toute expérience négative ou positive mérite d'être vécue. Je ne compte pas éteindre ma lumière, arrêtez d'être celle que je suis. Le monde a besoin de moi, il a besoin de mes qualités, il a besoin de ma vision. Il a besoin que nous soyons nous.