On ne fait pas un mariage avec la moitié d'une cola
Les préjugés ! On est tous d'accord sur au moins une chose à leur sujet, on en a tous. Qu'ils soient fondés ou non, confirmés ou non, on peut être divergent sur l'origine, la nature, la forme, mais on en a tous, positifs ou non.
Je suis quelqu'un de naturellement bornée. Je me souviens que pas plus tard qu'hier, ma mère me le répétait encore. Je ne fais qu'à ma tête, dans toutes les situations. Je n'ai pas de préjugés, du moins je ne leur donne pas le temps de se former. Je préfère me faire ma propre opinion des gens, des choses, des expériences, etc... Je me laisse très peu influencée par les bruits de couloir sur une personne, ses attitudes. Je ne me fies souvent que rarement à l'avis des gens, sur une conduite à tenir, sur comment appréhender une situation ou une autre. Je préfère avoir ma propre perception, ma version des faits. Vu que je suis bornée, cela ne fait qu'accentuer ce comportement.
J'aime pouvoir juger par moi-même, pouvoir confirmer ou infirmer, être plutôt agréablement surprise ou déçue par une situation et/ou une personne. Cela me rassure et m'évite d'avoir des regrets, des pensées persistantes sur "les choses qui auraient pu être différentes si je n'avais pas d'à priori.
Des fois, ce mode de fonctionnement est profitable. J'ai toujours été ravie de découvrir que tout ce qu'on m'avait dit, ou toutes les alertes qu'on a pu me donner, se sont avérées négatives. Grâce à mes voyages, j'ai pu apprendre, connaître et déconstruire beaucoup de choses. J'ai toujours un sentiment de fierté, quand je vois qu'il ne faut pas toujours se fier aux bruits de couloirs.
Par contre, j'aurais souvent aimé pouvoir me fier, et faire confiance à ces préjugés. J'estime que dans bien des situations, me rappeler et me contenter de ce qu'on dit sur une personne m'aurait évité bien des tracas.
Cependant, je ne regrette rien. Et je continue de penser intimement, que tout le monde devrait au moins essayé de se comporter comme ça.
Je lisais un texte de Chimamanda Adichie qui m'a conforté sur, la nécessité de ne pas se contenter d'une seule version de l'histoire. Dans son texte intitulé ''le danger de l'histoire unique", l'auteure rappelle combien de fois les préjugés l'ont fait passer à côté d'excellentes opportunités. Quand on reste figé sur une partie, sur un seul avis, on a du mal à imaginer qu'il y a une autre face, une autre façon, une autre possibilité. On reste cramponner si fort, à l'idée qu'on a entendu, qu'on se contente juste de trouver des éléments allant dans ce sens.
Par exemple, à force d'entendre qu'une personne est hautaine et arrogante, on associe toutes ses réactions à une affirmation démesurée de sa supériorité. En se répétant chaque jour, qu'il est impossible de réussir une chose, notre cerveau commence à trouver des blocages partout, plutôt que de penser solutions.
On agi ainsi tous les jours, avec les gens, avec les choses. On se contente de voir le monde d'un seul prisme. C'est plus sûr. La peur d'être blessé(e), déçu(e), humilié(e) ou que sais je encore est tellement forte, qu'on préfère s'accrocher aux infimes informations qu'on a, plutôt que de se voir répéter intérieurement ''on te l'avait dit'', ''on t'as prévenu. On passe à côté de belles rencontres, d'opportunités, d'ouverture, de voyage, d'accomplissement, de tellement de choses, juste parce qu'on ne prend pas la peine de se mettre de l'autre côté de la rive. On ne fait pas d'efforts pour comprendre, de dépasser nos biais et d'apprécier les faits et les gens de façon objective.
Ce que je retiens, de ma propre expérience, c'est qu'ériger des barrières ne peut empêcher à 100 % un raz-de-marée. Il suffit d'un seul élément, un seul aléa pour bouleverser tous nos calculs. C'est vrai qu'il me plaît de demander conseil, d'écouter certains propos, de demander la perception des gens sur certains sujets, mais je n'en fait pas une vérité absolue. Il me plaît d'avoir des avis, pour avoir le choix, pour avoir plusieurs possibilités. Même avec toutes les précautions, la vie est imprévisible. C'est ce qui fait qu'elle est aussi effrayante que charmante.
Je n'ai pas de maîtrise sur le temps, sur les émotions ou le comportement des autres, mais j'ai le choix. C'est ma responsabilité à moi de savoir comment gérer tout ça. Peu importe qu'on choisisse, d'écouter ou pas les murmures, il faut assumer la paternité de nos décisions. Il ne faut pas se défiler, utiliser les rumeurs, préjugés ou autres comme excuses, il faut porter sur nos épaules jusqu'au bout les conséquences.
Comme le dicton le dit, ''on ne prend pas la moitié de cola pour faire un mariage". Je continuerai de faire ma mule encore un moment. Je continuerai d'essayer de prendre du recul, de juger l'instant présent, les actes qui se déroulent devant moi, dans les conditions du moment. Je continuerai de me limiter à ce que je vois, à ce que j'entends. Je serai encore peut-être déçue, peut être triste ou heureuse, ravie et enthousiaste d'avoir surmonté les ''on dit" , les ''tu ne sais pas que'' et d'avoir vécu mon expérience.
Au final, la vie n'est-elle pas une succession d'expériences ?
Très beau texte